Nous sommes heureux d’être présentés dans le dernier numéro de VIGNERON Magazine #59, maintenant disponible en kiosque.
L’article de Yoann Palej met en avant l’art du dosage et le savoir-faire de Jean-Pierre Vazart.
Découvrez également la note de dégustation de notre cuvée Parcellaire AD 191 Blanc de Blancs Grand Cru Extra Brut 2016, une belle expression de notre terroir.
📸 Crédit photo : Leif Carlsson @leifcarlssonphoto
🖋 En collaboration avec : @vigneron_magazine
Ce matin-là, une lumière dorée inonde les coteaux de Chouilly. Sous nos pas, la terre encore perlée de rosée laisse entrevoir la craie, cette richesse minérale si précieuse de la côte des Blancs. Le soleil, déjà haut dans le ciel, illumine le visage de Jean-Pierre Vazart : « Vous arrivez pile à l’heure et ça me fait penser au dosage, millimétré, ce geste précis, comme le dernier coup de tournevis d’un horloger qui ajuste les rouages pour que tout soit parfaitement en place. » Avec l’humilité et la simplicité qui le caractérisent, le vigneron détaille un cheminement qui l’a vu changer le style de la maison via un dosage plus maîtrisé, plus affiné : « Je me rends compte qu’il y a vingt-cinq ans on n’était pas au top sur ce sujet. On a négligé ce pan de la vinification », avoue-t-il sans détour. À l’époque, l’idée dominante était que le client avait un bec sucré. Il fallait arrondir les angles, rendre le vin plus accessible, presque le cajoler : « Il y avait un décalage entre ma vision du vin et celle de mes clients. On en mettait un peu plus pour leur faire plaisir. Mais est-ce vraiment ainsi que l’on veut créer ses vins ? » C’est l’émergence des extra-bruts qui lui ouvre les yeux : « On n’avait pas ça dans la gamme, et de temps en temps des clients nous demandaient pourquoi. Alors, je me suis mis à travailler sur le sujet, et ça a été une vraie révélation. » Il évoque ce moment décisif avec modestie. « Derrière mon brut, il y avait du vin sur lequel on avait bossé… mais on n’osait pas partir de zéro dans l’échantillonnage. On allait tout de suite sur du brut, sans explorer ce qui se passait avant. » Le virage vers l’extra-brut, il y a quinze ans, a marqué un tournant : « J’avais toujours pensé pour ma part que l’équilibre venait de l’élevage. Si l’on veut diminuer le sucre, il faut allonger le temps de vieillissement. » Cette approche le conduit à revoir toute la dynamique de sa gamme sans année, où le brut, l’extra-brut et le zéro-dosage, bien que façonnés à partir des mêmes vins de base, suivent chacun un cheminement différent. Le brut est commercialisé plus jeune, tandis que l’extra-brut et le zéro dosage attendent patiemment leur heure : « Il faut du temps pour que le vin s’arrondisse et supporte d’être mis à nu », explique-t-il, lucide.
Pour ce vigneron expérimenté, le dosage n’est jamais une idée préconçue : « C’est le vin qui dicte son dosage final ! » Dans ce processus intuitif, chaque vin est écouté, respecté. Mais il est conscient que le sucre, bien que séduisant, peut être traître : « Son plus gros défaut, c’est de masquer. Si on a un vin vraiment discret, précis, fin et qu’on force trop, on va saboter le travail. Il faut trouver l’équilibre pour lisser l’effet
acide. C’est un peu la quadrature du cercle. » La véritable révélation est venue lors des essais de dosage du Special Club 2009 : « Avant cette cuvée, tous mes millésimes étaient dosés en brut. Là je commence l’échantillonnage à 4 grammes comme d’habitude et, à la première dégustation, c’est très bon. » Mais quelques jours plus tard, le doute s’installe dans son esprit : 4 grammes, c’était trop. « Je dégorge une bouteille, je goûte le vin sans dosage et là, je me rends compte que c’est l’équilibre que je cherchais. Au bout du compte, on a fini à 2 grammes. Cette expérience m’a servi de leçon. »
Depuis cet épisode, il débute systématiquement ses échantillonnages à zéro et tous ses millésimes sont désormais dosés en extra-brut. Il a fallu assumer ce virage stylistique : « Je suis le garant du style Vazart-Coquart, et j’avais besoin qu’il évolue. Il fallait que ça me plaise avant tout. » Une démarche audacieuse mais nécessaire pour rester fidèle à son goût et son esthétique, sans compromis. « L’évolution du dosage dans le temps doit être prise en compte. Il faut avoir une certaine expérience pour imaginer comment sera le vin dans six mois quand il sera prêt à être vendu. » De même, il sait l’ambivalence du sucre : « C’est un ami et un ennemi à la fois qu’il convient d’apprivoiser. » Et c’est ainsi que Jean-Pierre Vazart a ouvert la porte à une nouvelle philosophie, irrémédiablement attiré par cette quête sincère d’équilibre et de transparence où chaque vin, dans sa finesse, raconte sa propre histoire. / YOANN PALEJ